jeudi 19 novembre 2009

GUERNICA 1937



Cette œuvre violente et symbolique du peintre espagnol Pablo Picasso est l’un des tableaux les plus connus et les plus marquants du vingtième siècle. Quel événement tragique retrace-t-il ? Pourquoi est-il devenu si célèbre ? Comment a-t-il été peint ? Décryptage.
Pour la première fois de sa vie, Pablo Picasso (1881-1973) s’engage avec « Guernica » dans un combat politique par le biais de l’art : le peintre évoque dans ce tableau un massacre sanglant commis pendant la Guerre Civile Espagnole (1936-1939).
Le lundi 26 avril 1937, jour de marché, à 16h30, vingt-deux trimoteurs de l’aviation allemande de la légion Condor bombardent par surprise pendant quatre heures, en accord avec les forces fascistes du général Franco, le petit village basque de Guernica (Gernika, en langue basque). C’est le premier bombardement massif de civils de l’histoire contemporaine : 1654 personnes sont tuées. Trois mois plus tôt, le gouvernement républicain espagnol avait passé commande à Picasso d’une œuvre pour son pavillon de l'Exposition universelle de Paris. L’artiste n’hésite pas : révolté par le carnage, qui annonce les horreurs de la Seconde Guerre Mondiale, il décide de transfigurer le drame en une fresque monumentale prémonitoire, de presque huit mètres de long...
Dévoilée au public à Paris pendant l’été 1937, la toile, peinte en moins de deux mois, après la réalisation de plus de quarante-cinq croquis en couleurs, transcende l’actualité et devient un manifeste artistique contre les horreurs de la guerre. Une majorité de spécialistes la considèrent désormais comme l’une des œuvres majeures du 20ème siècle.
La force de Guernica ? Se dégager de l’événement dramatique pour faire passer un message universel. Picasso ne se contente pas, en effet, de dépeindre les faits : il donne corps à une métaphore intemporelle qui témoigne de la violence et de la cruauté humaine. Cette métamorphose, l’artiste l’accomplit d’abord en créant des personnages tragiques. Ils composent une véritable scène mythologique moderne. 
 

Du chaos apparent se dégagent huit figures symboliques hallucinées, humaines et animales. A gauche, une mère, le buste dénudé, tient un enfant mort dans ses bras et hurle de détresse. Derrière se tient un taureau menaçant, qui se détache du fond sombre. Pour Picasso, c’est le symbole de « la brutalité et de l’obscurité ». A côté, un oiseau s’égosille dans l’obscurité. Au centre de l’œuvre, un cheval terrassé symbolise le peuple espagnol. Au sol, un soldat est étendu, l’épée brisée à la main. A droite, une femme se traîne péniblement, une autre lève les bras au ciel, vers une fenêtre, dans une attitude suppliante. Enfin, sur sa gauche surgit une tête fantomatique, prolongée par un bras tenant une lampe, surnommée « la porteuse de lumière ».
Ces personnages complexes ont donné lieu à de multiples interprétations. Selon Jean Clair, historien de l’art et directeur du musée Picasso « Guernica » serait une « nativité à l’envers » : Joseph est à terre, l’enfant est mort-né, le taureau a remplacé le bœuf... Toutes les analyses convergent cependant sur un point : le tableau suggère une lutte entre le bien et le mal et dénonce l’assassinat d’une valeur sacrée, la vie.
 
Le langage plastique renforce par sa puissance expressive la portée allégorique de l’œuvre. Picasso utilise les techniques cubistes et expressionnistes. Elles lui permettent de créer des formes plates et simplifiées, de morceler les corps, de démanteler les figures, de traduire le déchirement de la chair, bref d’exacerber les expressions de détresse et d’horreur. L’espace du tableau est organisé comme une frise, mais structuré sur des plans triangulaires, avec des diagonales, des horizontales et des verticales caractéristiques du cubisme. Il s’en trouve contracté et tendu. La base du principal triangle occupe toute la largeur de la toile, la lampe en constituant le sommet. Le trait le plus frappant de la toile, outre le refus de toute perspective, est sans doute la quasi-absence de couleurs. Réduites au noir, au blanc et au gris, elles répandent une tonalité de deuil et renforcent la sensation d’anéantissement total. 
Picasso avait été formel : « Guernica » ne devait pas entrer en Espagne avant le rétablissement d’un régime démocratique. Exposé au Métropolitan Museum de New-York à partir de 1939, ce tableau testamentaire de l’histoire espagnole et emblématique de l’art contemporain sera finalement donné à l’Etat espagnol en 1981. Il est exposé depuis 1992 au Musée National Reina Sofia de Madrid.


La scène
« Guernica » montre des personnages victimes d’un bombardement. Ils se détachent du fond sombre par leurs couleurs claires. Les figures des personnages sont vues de face et de profil simultanément. Cette multiplication des angles de vue intensifie la charge dramatique : elle permet de saisir dans leur globalité la douleur des visages qui implorent le ciel face à un ennemi invisible. C’est un procédé caractéristique du cubisme, que Pablo Picasso pratique depuis « Les Demoiselles d’Avignon », en 1907.
Le décor
Nous sommes dans un espace fermé, sans 
doute une ou plusieurs maisons. Le sol est en effet recouvert d’un dallage et il semble y avoir des poutres au plafond. Au centre, en haut, se distingue un bout de toit, symbolisé par quelques tuiles Les lieux sont éclairés par une ampoule électrique, dont le halo représente un œil et dont la clarté suggère l’incandescence des bombes. Une fenêtre donne, à droite, sur l’extérieur. Transformé en scène d’intérieur, le bombardement, qui a eu lieu en plein jour, gagne en intensité dramatique. 
 

Zoom 1 - Le cheval 
Picasso déclare dans le journal « La Fraternité », du 20 septembre 1945, que le cheval de Guernica représente le peuple espagnol. Transpercé par une lance, il se tord de douleur, prêt à s’affaisser, la gueule ouverte, comme lâchant un hennissement perçant. Son corps est couvert de petits traits noirs. Evoquent-ils les caractères typographiques du journal où Picasso découvrit la nouvelle du massacre, ou énumèrent-ils chaque citoyen du peuple espagnol ? 




    
 
Zoom 2 - Le taureau
Pour Picasso, ce taureau immobile et menaçant symbolise « la brutalité et de l’obscurité ». Son corps sombre contraste avec sa tête blanche, tournée vers la gauche. Ses yeux envoûtants dévisagent le spectateur. Il symbolise une certaine Espagne, celle des corridas sanglantes et de la mise à mort. Il rappelle aussi le Minotaure de la mythologie grecque.








Zoom 3 - La porteuse de lumière
Cette femme fantomatique semble faire irruption dans le tableau, comme venant de l’extérieur. Son visage blanc semble atterré par les événements et son long bras évanescent brandit une lampe, ce qui lui vaut le surnom de « porteuse de lumière ». Métaphore de la colombe, elle viendrait signifier, au cœur du désastre, que tout n’est pas perdu.




Zoom 4 - Le soldat

Le seul personnage masculin du tableau tient une épée brisée dans sa main droite. Il s’agit sans doute d’un soldat. Ses bras étendus en croix suggèrent qu’il est mort. Ses yeux, bien qu’ouverts, sont d’ailleurs inexpressifs. Une petite fleur pousse dans sa main. Un ultime symbole d’espoir ?




L’œuvre - Le charnier (1944/48) - Huile sur toile, 2x2,5 m. New-York, MoMA
« Plus tard, peut-être, un historien démontrera que ma peinture a changé sous l’influence de la guerre. Moi-même, je ne le sais pas », a dit Picasso. « Guernica » ne fut pas, en tout cas, le seul de ses tableaux consacré aux carnages humains. Avec « le Charnier », il dénonce sept ans plus tard les camps de concentration. Cette toile présente plusieurs analogies plastiques avec « Guernica ». On y retrouve l’utilisation exclusive de couleurs blanches, noires ou grises, l’absence de perspective, l’espace contracté et les corps disloqués.








3 commentaires:

Anonyme a dit…

ce site est très bien car dans quelque jour je passe mon histoire des arts au collège sur guernica donc ce site ma bien aidé !! ^^

Anonyme a dit…

Comme dit anonyme c'est pas mal mais moi anonyme j'ai passé l'épreuve le jour de ce commentaire

Anonyme a dit…

Ce site est genial ! Je passe un concours de connaissance des arts et sincèrement sa m'a permis de rajouter un peu de chair à mon exposé. merci !!